
Etienne Panthou (Armée Secrète). Chef du secteur d’Argentan (Orne). Arrêté, torturé et fusillé par la Gestapo le 28 juin 1944.
Dépendante du « Kommandeur » régional pour toute la Normandie, qui siège à Rouen rue du Donjon, l’antenne ornaise de la Gestapo réside à Alençon.
Jusqu’au début de 1944, elle est dirigée par le Dr Harold Heinz, qui exerçait primitivement ses talents à Cherbourg. En mars, Heinz est muté à Caen, et Richard Reinhard, dit « Hildebrand », le remplace. On note qu’à partir de novembre 1943, les responsables des services de police allemands s’affublent de pseudonymes ; on a laissé entendre que c’était un subterfuge pour tromper la Résistance, en réalité il semble bien que, sentant le vent tourner et peu désireux de rendre un jour des comptes sur les exactions de leurs officines, ils aient tenté de se voiler d’un certain anonymat. Reinhard à Alençon se fera appeler « Hildebrand » mais aussi « Lebrun » et « Lefèvre » ! Heinz, précité, préférera le surnom de « Bernard ». Goest à Saint-Lô répondra au pseudo de « Godefroy » et à celui de « Benoit ». Walter Kunrede à Evreux choisira « Vervier », Herbert von Berthold à Caen sera connu sous celui d’ « Albert ».
C’est donc Reinhard, que les résistants de l’Orne ne connaîtront que sous le vocable d’Hildebrand, qui prend en main le SD.
Sa première tâche est de créer un groupe « Action », formé d’éléments français. La responsabilité en est octroyée à Bernard Jardin, d’Argentan, individu sans aucun scrupule, pervers, cupide, et au cynisme cruel, qui navigue depuis plusieurs mois dans les eaux fangeuses de la collaboration active. Il constitue une équipe d’aventuriers et de repris de justice dont les membres principaux seront Berteaux, un tueur illuminé, Lotti, Duru, Lemaître, Larronche, Perrin père et fils, Bogdanoff, Chapron, Neveu.
Profitons de cette occasion pour indiquer, de l’avis même des gestapistes allemands, que les résultats du SD et de la Gestapo, et ceci d’une façon générale, auraient été abaissés de 60 % s’ils n’avaient été guidés, pilotés, conseillés, par des traitres français. Comment en effet admettre que, sans le concours de quelques suppôts, des policiers prussiens, bavarois, rhénans ou wurtembourgeois, se dirigent à coup sûr vers des caches, des sapes, des grottes, des fermes abandonnées, des métairies isolées, dans le dédale des chemins creux et des sentiers perdus, ne figurant sur aucune carte d’état-major, par des traces ou des pistes inconnues des géographes ? On a grand tort, lorsqu’on évoque la Gestapo, de voir en elle un organisme tout-puissant, ayant l’œil partout, connaissant tout. En réalité, ce n’était qu’une impitoyable machine administrative, parfaitement structurée, qui broyait inexorablement les pauvres gens qu’elle avait en main. Mais elle ne put obtenir de succès que dans la mesure où elle trouva une horde de renégats, qu’elle traitait d’ailleurs avec mépris, pour lui servir de rabatteurs et d’indicateurs. On a vu dans certaines régions comme le Vièvre, sur le territoire du maquis Surcouf, qu’elle ne parvint jamais à réduire les partisans dès lors qu’elle ne réussissait pas à y introduire d’agents doubles. On mesure donc à cette réflexion qu’elle fut la sinistre responsabilité des quelques bandits qui se mirent à son service. Le cas du département de l’Orne est typique à cet égard :
Jusqu’à la mi-mai 1944, les policiers nazis n’obtiennent guère de résultats probants dans leur lutte contre la Résistance. Certes, il y eut des arrestations dues aux inévitables bavardages et à quelques imprudences, mais, eu égard à l’activité très intense des clandestins dans cette région, la répression reste fort modérée.
Ce n’est qu’à partir de mars 1944, avec l’entrée en lice de l’équipe Jardin, que les événements leur deviennent favorables. L’annonce de primes conséquentes allèche les forbans, qui déploient une intense activité. La présence à Argentan du général Allard, chef de toute la subdivision, leur parvient et ils mettent tout en œuvre pour l’arrêter. Quelle manne royale en cas de succès !
Le 16 mai, un dispositif policier extraordinaire, plus de six cents hommes de la Feldgendarmerie, de la SS et de la Milice, quadrillent la ville suivant leurs indications. Pendant huit jours, c’est la chasse et les prises s’accumulent ! Les frères Rycroft, chefs de groupe, et leur mère ; Xavier Vimal du Boucher, chef cantonal ; Albert Barrière, chef du 3ème bureau régional ; les docteurs Couinaud et Fillon ; MM. Duguey, Hérault, Moreau, de l’EM ; Chevreuil, à Mortrée, le docteur Le Meunier, Herlemont, chef du secteur de Domfront ; Durrmeyer, chef du secteur de Flers ; Gobry, chef du canton d’Athis, sont tous arrêtés. Mais le général Allard, pris en charge par les groupes voisins, parvient à échapper à la razzia.
Le 5 juin, à Courcerault, les maquisards locaux sont cernés et faits prisonniers : douze hommes sont fusillés !
Le 8 juin, c’est Roussel, chef de section d’Aunou-le-Faucon, qui est abattu avec l’un de ses hommes.
Le 12, une expédition à Trun-Chambois cause la mort de trois francs-tireurs.
Le 13, à Lignières-la-Doucelle, la Gestapo appréhende le chef départemental Daniel Desmeulles.
Le 14, le groupe de Courtomer est décimé.
Le 18, celui de Silly-en-Gouffern subit l’attaque des gestapistes.
Le 20, à Gacé, Lefrançois, chef de secteur, Buffard, chef de canton, sont arrêtés avec la plupart de leurs maquisards. Le même jour, Bove, chef de groupe de Villers-en-Ouche, est capturé, puis le 26, ce sera le tour de Louis Guéné, chef de section à Trun, et de deux de ses garçons qui seront torturés et exécutés.
Enfin, le 28, Etienne Panthou, chef du secteur d’Argentan, est fait prisonnier après une lutte héroïque avec neuf de ses hommes. Il sera torturé d’une façon atroce en présence de sa fille, puis elle-même subira les plus infâmes sévices. Etienne Panthou et ses compagnons sont fusillés le jour même, Simone Panthou est incarcérée puis déportée.
Devant l’importance de la répression nazie, les autres responsables résistants, condamnés à mort par contumace, traqués, pourchassés, se réfugient dans les forêts d’Ecouves et de Monaye. C’est là qu’André Mazeline, Vernimmen et Almire Viel reforment leurs groupes et reconstituent les maquis.
Néanmoins les séides de la Gestapo ont bien travaillé pour leurs maîtres allemands. A la veille du débarquement, les puissantes formations ornaises sont décimées. Toute l’organisation est à rétablir !
La tragédie des Riaux, 28 juin 1944.
La Gestapo a arrêté au début du mois un résistant du nom de Poupard. Pris, ce lâche individu n’attend pas d’être interrogé ; il offre spontanément ses services au sinistre Jardin. On l’envoie contacter un sédentaire de Francheville, ce qui lui est facile puisqu’il connaît la phrase d’introduction : « Les pommiers fleurissent en mai ». Sous un vague prétexte, il se fait indiquer l’endroit où se tient le chef de secteur Etienne Panthou, avec son groupe de réserve. Prévenue, la Gestapo requiert l’appui d’un bataillon SS et, à l’aube du 28, l’investissement du hameau des Riaux s’amorce.
Dans une ferme à l’écart, Etienne Panthou est surpris par l’attaque. Il se retranche dans un grenier et rend coup pour coup. Mais sa fille, Simone est capturée, les SS la tiennent sous leurs mitraillettes et menacent de la tuer. Alors le chef de secteur se rend, avec l’un de ses gardes, Maurice Terrier. On les emmène tous les trois à la carrière de Francheville, et ils sont sauvagement torturés. La Gestapo veut savoir où est le chef départemental, Mazeline, alias Marsouin. Les trois patriotes se taisent, bien que sachant que celui-ci doit revenir à la ferme le soir même. Panthou est martyrisé, défiguré, sanglant, mais il trouve encore la force d’adjurer sa fille que l’on torture devant lui : « Ne leur dis rien, ma petite fille, surtout ne dis rien. » Simone Panthou serre les dents. Elle ne parlera pas.
Voyant qu’ils ne tireront rien de leurs prisonniers, et pressés par le temps, les SS fusillent les deux hommes. La jeune fille est emmenée ; elle sera déportée après bien des épreuves.
Puis la troupe fonce à la ferme Le Brasseur. Huit maquisards sont arrêtés : Georges Toutain, Paul Delfloraine, Joseph Goubin, Jean Laurent, André Piquet, Maurice Philippeau, Bernard Plessis, Marcel Klein. Après avoir subi d’horribles sévices, ils sont abattus un à un et, geste digne des SS, leurs corps sont entassés dans une soue à porcs ! Comme quoi, à l’assassinat, les soldats d’élite du grand Reich ajoutaient souvent la plus abjecte forfaiture.

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